Bateau

Métrique et Politique sont sur un bateau …

…. Métrique tombe à l’eau, qui reste-t-il ?

Un billet suite à l’article rédigé par Jacques Warren dans une Newsletter WAO/Factor que je vous invite à consulter : « Metrics Are Politics ».

C’est là un sujet dont on ne parle pas toujours, quelque soit le métier pratiqué d’ailleurs : la couche de « politique » rencontrée au sein d’une entreprise. Vous savez, ces actions, idées ou remarques que l’on met parfois de côté, parce que « politiquement », ça ne passera pas.

Ce qui m’a interpellée dans cet article, c’est que je ne m’étais jamais réellement posé la question de son impact dans le cadre du web digital analytics.

Les métriques utilisés pour démontrer les failles de performance d’un individu ?

Flashback. Je suis encore chez l’annonceur. J’implémente du AT Internet sur plusieurs sites et j’évangélise à tout va sur la discipline. Chefs de produit, Responsables marketing, Commerciaux, Responsables au niveau de la direction aussi parfois, tous y passent.

Et petit à petit, ça marche, l’intérêt s’éveille. De manière un peu hétérogène, certes, mais ça fonctionne.

Et je me souviens. Dans une strate un peu « en dessous » de ce qui est évoqué dans l’article cité plus haut, maturité analytique de l’entreprise oblige.
Mais Untel ou Untel n’a pas mis en place le suivi de ses campagnes : Paf ! C’est mal, c’est bel et bien montré du doigt.

Autre cas, la participation à la bonne mise en œuvre des éléments de marquage comme critère d’évaluation du bilan annuel personnel. Vous savez, ce bilan dont j’imagine qu’on le retrouve un peu partout, cette étape privilégiée de tête à tête avec son manager préféré qui va aider à définir les axes de progression individuels de demain.

Entendons-nous bien, dans ma démarche d’évangélisation, que le web analytics figure comme critère d’évaluation de ce bilan, c’est un bien. Cela montre l’importance accordée à l’analytics en interne, c’est un levier de plus pour son adoption dans l’entreprise.

Et pourtant, il y a bel et bien un revers de la médaille dans ce discours : un élément distinctif qui permettait potentiellement de montrer du doigt celui ou celle qui aurait failli à la bonne mise en œuvre de cette tâche.

Et je ne parle pas de la mesure du résultat de la performance. Dans le cas d’un boulot plutôt bien mené mais où le résultat n’est pas à la hauteur des attentes :  où se trouve la frontière qui permet de ne pas taper sur les doigts de quelqu’un, parce qu’il faut bien un coupable ?

Je mets les indicateurs que je veux dans mes tableaux de bord !

Oui oui, une fois les étapes de définition d’objectifs de site, d’identification de Kpi et tout le toutim, c’est en effet le cas.

Quoique …
Pour le calcul de tel ou tel KPI, il faudrait avoir accès à la source de donnée qui va bien. Et cette source d’information, elle n’est pas dans mon outil de web analyse préféré. Quoi de plus naturel alors que de se tourner vers là où ça doit se trouver. Une minute…. il faut l’aval de Untel et Untel … « parce que politiquement, je suis pas sûr que ce soit une bonne chose de te laisser l’accès à ça tu comprends » …

Et dans la définition de ces fameux KPIs, on peut potentiellement en écarter un ou deux, car cela pourrait provoquer des remous quelconques. « Il faut conserver l’étanchéité de l’information, tu comprends », « Tout le monde n’a pas besoin de connaître ces chiffres »…

Au delà d’une dose de confidentialité de certaines données que je peux comprendre, derrière tout ça, ne faut-il pas y voir aussi la pression d’être jugé  ?

Alors, finalement, sommes-nous si neutres que ça dans le choix d’un KPI ?

De fait, j’aime assez l’approche que propose Jacques Warren, à savoir réussir à mettre l’accent sur des KPIs qui peuvent certes soulever des questions difficiles (l’art « d’appuyer là où ça fait mal »), mais dans une logique d’amélioration de la performance plutôt que dans une logique de « Je cherche quelqu’un à blâmer » lorsque ça ne fonctionne pas.

Ça fait partie du jeu mon ami

C’est bien joli tout ça, mais est-ce bien, est-ce mal ?
Il faut de toutes façons composer avec. Et en ressortir la meilleure alternative possible. J’imagine que cet aspect des choses est plus ou moins impactant selon le secteur d’activité et la nature même du site pour lequel on pratique le webanalytics.

Si je me place dans le même axe de réflexion côté agence, ma foi, pour le client, c’est une demande volontaire de prestation. La démarche est peut-être moins sensible. Et encore… Est-ce réellement le cas ? Le contexte « politoco-mesuro-satisfaction client » joue sans doute encore un rôle, non ? 😉

L’aspect « gestion politique » en entreprise existait bien avant le digital analytics et existera sans doute encore longtemps. Je ne dis pas que le tableau est intégralement noir, au contraire, on a un beau terrain de jeu, enthousiasmant, où l’on mène la meilleure stratégie possible.
Par contre, je pense nécessaire d’avoir ce minimum de prise de recul : ai-je disposé d’un total libre arbitre dans le choix de mesure ou l’analyse que je viens d’effectuer ?

(12 commentaires)

  1. C’est vrai que l’on parle rarement de ce problème. Il se pose aussi en agence au moment de l’analyse où, comme par hasard, le client a oublié un KPI très très important… Après qq minutes d’explication en vain, on s’y résilie malheureusement…

    1. Merci pour ton retour Damien !

      Lorsque j’ai lu l’article de Jacques Warren, ça a eu immédiatement du sens pour moi, d’où ces réflexions posées dans ce billet.
      On parle rarement de ce problème, probablement parce qu’on ne se pose pas 5 minutes, philosophie de la « tête dans le guidon » oblige… non ? Pour ma part, le principal est d’en avoir conscience, et d’essayer d’améliorer les choses lorsque l’on peut 🙂

  2. Bonjour,

    Bel article qui pose de bonnes questions.

    C’est tellement humain, lorsqu’on voit sur un tableau de bord des chiffres en vert qui progressent, de ressentir de la fierté et du soulagement et en revanche lorsque les chiffres sont en rouge et témoignent d’une dégradation d’avoir peur d’être jugé voire sanctionné. Je ne peux m’empêcher de le faire moi-même.
    Notre système scolaire français où la note a une place prépondérante et tient lieu de véritable sanction n’arrange pas les choses à mon avis.

    Les intentions des managers doivent être claires là-dessus: la mesure a pour objet de mieux comprendre ce qu’il se passe, de révèler des problèmes, de trouver des solutions. Tu fais bien d’insister là-dessus.
    Si cela est mis en place avant comme arrière-pensée de trouver le coupable, les effets seront désastreux, ce sera de toute manière rejeté par les employés.

    A nous de jamais cesser de le répéter lorsqu’on définit les KPI et met en place un tableau de bord pour un client.

    Benoit Arson
    AT Insight

    1. Bonjour Benoit,

      merci pour ton point de vue, tes commentaires sont toujours constructifs !

      Je n’avais pas pensé à l’influence de notre système scolaire et de ses notes dans nos comportements pro, et à la réflexion, c’est plutôt juste. Je suis la première à entrer dans ce schéma d’ailleurs.

      J’ai remis récemment des résultats d’analyse à un client, résultats malheureusement dans le rouge. Je passe les détails sur la rédaction même du rapport, où il fallait trouver des tournures de phrases positives tout en restant factuelle sur les points de performance qui avaient « pêchés »… De fait, la première réaction de la personne destinataire a bel et bien été la peur d’être jugée négativement sur les actions qu’elle avait mises en place.

      Nous avons donc effectivement un gros travail – récurrent- de communication en amont auprès des managers devant nous !

  3. Du coté « agence », on pourrait penser qu’on a moins ce soucis politique… Que nenni !
    Cette forme de censure n’est d’ailleurs rarement mise en place par le client puisqu’on le voit rarement (lorsque je bossais chez Duke à Paris, maintenant ce n’est plus le cas, je suis en direct avec lui la plupart du temps), mais plus par le directeur conseil qui gère le compte « on ne peux pas lui dire ça, ça voudrait dire qu’on s’est planté tu comprends ? »
    Non je ne comprends pas et j’ai toujours refusé de « censurer » mes rapports (d’ou un envoi en PDF pour éviter les retouches sauvages, si si j’en ai déjà vu).
    On fait un bilan, on en tire des conclusions. Et derrière il y a des actions correctives a mettre en place. Un site web, ça évolue, les comportements des internautes aussi et heureusement on a pas toujours raison. D’ou l’importance de suivre les chiffres afin de mettre en place les bons comportements. Heureusement, j’ai aussi beaucoup de clients qui ont assez de recul pour comprendre que ce sont plutôt des points d’améliorations à prendre en compte plutôt que des critiques de leur travail.
    Chaque semaine, je dois aussi rappeler a mes clients de « bien tagger leurs campagnes » ou de m’envoyer plus d’infos pour analyser leurs performances. je ne pointe pas du doigt une incompétence, mais c’est de leur responsabilité et ça ne me choque pas qu’ils soient aussi jugés la dessus. Et ça ne sera donc pas la peine de me taper sur les doigts parce qu’ils n’ont pas de résultats de la campagne de solde de cet été « qui était super stratégique » dans le brief 🙂

    1. Mon passage éclair dans la case agence ne m’a pas amenée à être totalement confrontée à ce que tu décris. Merci beaucoup pour ce partage !

      Je te rejoins complètement sur l’aspect bilan, conclusions puis actions correctives. Peut-être parce que nos esprits d’analyste doivent être tournés vers ça : des faits et des actions.
      Il n’empêche que les frontières ne sont pas toujours aussi délimitées, nous ne pouvons qu’interagir dans un « écosystème »…
      Pour rester positive, les comportements évoluent, et c’est une bonne chose de voir par exemple que tu as des clients qui prennent le recul nécessaire 🙂

      A part ça, je proposerais presque de monter un groupe autour du « Bien marquer l’ensemble de ses campagnes », parce que c’est vraiment une action « non ou mal effectuée » qu’on retrouve sans arrêt, quelque soit le contexte 😉

  4. Bonjour Caro,

    Super bon article !

    Merci d’avoir mentionné mon article. Après plus de 10 ans consacrés exclusivement au digital analytics, l’aspect politique m’apparaît maintenant un facteur d’influence sur le succès de la fonction analytique d’une importance capitale. Combien de fois ai-je présenté des résultats en marchant sur des oeufs ou même en subissant les tirs nourris de managers et aussi, souvent, de l’agence. Oui, car il faut aussi aborder cette question, qui fait elle aussi partie de la question politique : comment une agence arrive-t-elle à gérer sa relation client tout en intégrant l’analytique, au risque même de faire la démonstration de l’échec de projets dont elle est responsable? Question difficile dont j’ai parlé ici il y a un an (http://bit.ly/klayLv).

    Il ne faut certainement pas devenir obsédé par les questions de politique interne, mais un analyste qui ignorerait, voire négligerait cette dimension de la réalité de son travail, verrait ses efforts courir un grand risque d’échec.

    1. Bonjour Jacques,

      merci pour ton message !
      Avec plaisir pour la mention, tes écrits me donnent souvent matière à réflexion 🙂

      L’aspect politique apparait certes comme un facteur d’influence, je pense néanmoins qu’il doit être plus ou moins impactant selon la manière d’aborder la fonction analytique au sein de l’entreprise. Encore une fois, une notion de maturité analytique qui doit jouer un rôle.

      Il n’en reste pas moins que nous sommes dans un contexte de culture du résultat, et que assez mécaniquement, les constats « d’échec » s’inscrivent difficilement dans cette dynamique.
      D’où ce sentiment de marcher sur des oeufs parfois, effectivement …. en tant qu’analyste, nous avons tous ressenti cela au moins une fois dans notre parcours je pense !

      Quoiqu’il en soit, je te rejoins sur le fait de ne pas devenir obsédé par les questions de politique interne, au risque de ne plus avancer et faire évoluer les choses… C’est une composante à identifier puis à intégrer parmi d’autres.

  5. Avec les métriques, on peut tricher. Et on ne s’en prive pas !!! Ce ne sont pas les moyens qui manquent. C’est assez désolant, d’autant qu’on veut quelque chose qui ait de la gueule, qu’on y met tout son cœur et qu’on se fait devancer par… Bref, je préfère ne pas en dire plus. Merci pour l’article, en tout cas.

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